Futurs étudiants / International

Les métiers de la Criminologie

Depuis plusieurs années, la criminologie est régulièrement mise à l’honneur dans notre société. Mais qu’est ce que la criminologie ?
Nos experts et membres de  l’École de Criminologie Critique Européenne ECCE vous expliquent et reviennent sur les idées reçues (s
éries policières, films, livres).

  • Franck Ludwiczak, Responsable du Master Droit la Matière Pénale, Directeur de l’École de criminologie critique européenne
  • Laurent Chabert, Responsable du Master Interdisciplinaire en Criminologie Critique, Membre de l’École de Criminologie Critique Européenne
  • Michaël Laref, Responsable du DU de Criminologie Interculturelle, Membre de l’École de Criminologie Critique Européenne

 

Mal connu et reconnu en France, le criminologue est pourtant un acteur essentiel dans la compréhension et la gestion des questions liées à la criminalité, à la délinquance et à la sécurité. Ce champ d’études et de pratiques, à la fois fascinant et exigeant, requiert une combinaison unique de compétences et de connaissances. Dans cet article, Laurent Chabert, Franck Ludwiczak et Michaël Laref unissent leur voix et leur expertise respective pour revenir sur les métiers du champ criminologique, les études nécessaires, le profil idéal ainsi que les débouchés professionnels.

 

Qu’est-ce qui caractérise le métier de criminologue ?

« Il est nécessaire, dès le départ, de lever toute ambiguïté. Contrairement aux pays voisins limitrophes – Belgique, Italie, Suisse – d’outre-Manche ou d’outre-Atlantique – États-Unis, Canada – la criminologie n’est pas reconnue en France comme une discipline autonome par le Conseil national des universités. Il n’existe dès lors pas de reconnaissance en tant que tel du métier de criminologue, bien que le cursus et l’expertise des études en criminologie ouvrent à l’étudiant une multitude de débouchés professionnelles au sein de ce que nous qualifierons de « métiers du champ criminologique .

 

Cette absence d’autonomie universitaire, et donc de reconnaissance professionnelle d’un statut de criminologue, s’explique historiquement par le contexte français de rapports de force houleux et de compétition symbolique entre les disciplines « mères » de la criminologie – droit, médecine légale, sociologie et psychologie –, chacune cherchant à vassaliser la criminologie en l’intégrant comme spécialisation de son cursus plutôt que porter pleinement un projet interdisciplinaire visant à son autonomisation. Bien que cet état de fait soit regrettable à notre point de vue, cela ne signifie pas pour autant que les diplômes de Master en criminologie proposés en France ne sont pas reconnus comme tels. Bien souvent cependant, la mention de diplôme demeurera mono-disciplinaire (Droit, Psychologie notamment). Plus rarement, la pluridisciplinarité sera offerte par le biais d’un conventionnement avec une Université d’un pays reconnaissant officiellement la criminologie dont la valeur du diplôme est jugée équivalente en France. Tel est le cas du Master interdisciplinaire de criminologie critique proposé par l’Université Catholique de Lille. Ainsi, nos étudiants ne sont pas moins avantagés pour travailler en France et à l’étranger dans ces fameux « métiers du champ criminologique » que nous détaillerons par après.

 

Cette ambiguïté levée, nous pouvons dire au niveau le plus générique que le criminologue est le spécialiste du phénomène criminel au sens large (production des lois, transgression des lois et réaction socio-pénale à l’égard de la transgression des lois). Il se situe à la rencontre entre, d’une part, l’individu ou le groupe étiqueté délinquant ou déviant et, d’autre part, les instances socio-pénales qui le prennent en charge. Il vise ainsi à restaurer les conditions de possibilité d’un dialogue entre les deux tenants de cette interrelation problématique.

Là aussi, il convient de démystifier une certaine représentation fantasmée de la criminologie, véhiculée notamment par les séries policières. Le criminologue n’est pas un « expert » technique et scientifique chargé de chercher, récolter et interpréter les preuves et indices présents sur une scène de crime, ce qui relève de la criminalistique. De la même manière, le criminologue n’est pas un « profiler » chargé de déterminer le profil psychologique d’un criminel dans le cadre d’une enquête. Si ses connaissances et son expérience lui confère une certaine sensibilité aux processus criminogènes potentiellement à l’œuvre chez tout un chacun, le métier de profiler est quasiment inexistant en France, ce qui n’est pas plus mal tant il soulève un certain nombre de questionnements éthiques qu’il n’est pas nécessaire de développer ici. »

 

Quelles sont les connaissances qu’il doit maîtriser ?

« Le criminologue mobilise des savoirs pluridisciplinaires – voire interdisciplinaires – impliquant non seulement une connaissance des processus criminogènes dans leurs dimensions tant sociologiques, psychologiques que culturelles, mais aussi une connaissance approfondie du fonctionnement de la réaction socio-pénale et des institutions d’enfermement. 

C’est là, à notre sens, toute la spécificité et l’attrait de la criminologie que de constituer un laboratoire d’interdisciplinarité dans une époque marquée par l’hyperspécialisation disciplinaire. Via l’objet « crime et déviances », le criminologue doit ainsi être en mesure de connecter et dialoguer avec des champs aussi divers que les sciences juridiques, les sciences politiques, la sociologie et l’anthropologie, les disciplines « psys », voire la philosophie et l’éthique. Il en acquiert une connaissance globale de la condition humaine, ses universaux autant que ses singularités. Il fait ainsi figure d’ornithorynque par le caractère protéiforme des savoirs sur la question criminelle qu’il est susceptible de mobiliser et que nous cultivons à l’Université catholique de Lille en proposant un Master Interdisciplinaire en Criminologie Critique, un Diplôme Universitaire en Criminologie Interculturelle ainsi qu’un module de criminologie approfondie en Master Droit de la Matière Pénale. »

 

Quelles sont les qualités dont il doit être doté ?

« Le criminologue doit être en mesure de faire preuve d’un esprit critique capable de se distancier de l’opinion commune, ses préjugés et ses instincts défensifs à l’égard de la délinquance. Il doit aussi faire preuve de qualités « cliniques » et éthiques reconnaissant chez chacun, par une démarche compréhensive, sa participation à notre commune humanité tout en refusant toute forme de déshumanisation. Enfin, il est avant tout un praticien et doit accepter d’être en prise avec la dimension dramatique de l’existence autant que d’intervenir et se positionner sur des théâtres difficiles, ce afin de proposer des solutions visant à rendre la société non seulement moins violente, mais aussi moins répressive. »

Quelles études un étudiant doit-il suivre pour obtenir le titre de criminologue ?

« Quelques mots sur l’histoire du développement universitaire de la criminologie en France semblent nécessaires. On estime ainsi que le mouvement d’institutionnalisation de cette activité de connaissance à prétention scientifique sur le crime et le criminel s’origine à la fin du 19ème avec, en Italie, « l’École positiviste » animée par Cesare Lombroso et, en France, « l’École du milieu social » incarnée à Lyon par Alexandre Lacassagne. Tous deux sont des médecins légistes et c’est d’ailleurs au sein des facultés de médecine que s’instituent les premiers enseignements de ce qui était alors dénommé l’anthropologie criminelle.

Pour faire bref, le contexte judiciaire français de cette période à cheval entre le 19ème et le 20ème est marqué, pour des raisons idéologiques autant que symboliques, par des rivalités et des concurrences parfois féroces entre magistrats et médecins appelés à la barre pour livrés leur expertise psychiatrique et criminalistique sur l’une ou l’autre affaire. Les premiers vont donc voir d’un mauvais œil que les seconds puissent s’arroger le monopole de l’enseignement et de la recherche de cette jeune activité de connaissance qu’est la criminologie. Très vite, les Facultés de droit, à l’instar de celle de Paris en 1905, vont créer des enseignements de sciences criminelles et pénitentiaires, jusqu’à se trouver dans une situation quasi monopolistique d’enseignement de la criminologie qu’elle va organiser comme une spécialisation avec une durée d’enseignement très brève et une « réduction » de son champ d’étude aux matières juridiques : droit et procédure pénale, pénologie, politique criminelle, etc.. Aujourd’hui encore, la situation quasi-monopolistique des Facultés de droit sur la criminologie est restée pratiquement inchangée. Ce n’est pas le cas à l’étranger où, par exemple, la criminologie s’est instituée au Canada au sein des Facultés de sciences humaines et sociales tandis qu’en Belgique, elle s’est développée au sein des Facultés de droit mais en bénéficiant dès le départ d’une pleine autonomie institutionnelle.

Ainsi en France, dès lors que la plupart des parcours criminologiques sont enseignés dans le cadre d’une spécialisation de Masters en « droit pénal et sciences criminelles », il sera demandé aux étudiants de suivre au préalable une Licence en Droit. Cette voie classique n’est néanmoins pas la seule puisqu’il existe des spécialisations en criminologie clinique au sein de Masters « psys » – réservées donc aux étudiants ayant effectué une licence en psychologie. Enfin, il existe aussi des Masters proprement criminologiques, résolument pluridisciplinaires et ouverts à des étudiants venant tant de filières en droit qu’en sciences humaines (sociologie, psychologie, anthropologie, etc.) comme c’est le cas à l’Université catholique de Lille. La plupart de ces Master sont tournés vers la pratique avec la réalisation obligatoire d’un stage au sein des métiers du champ criminologique.

A côté des Masters existent aussi des DU en criminologie qui visent à offrir une spécialisation aux professionnels des métiers en lien avec la criminalité ou aux étudiants qui suivent en parallèle un cursus principale dans l’une ou l’autre discipline. »

Dans quels milieux évoluent les criminologues ?

Le champ d’activité des criminologues est diversifié, offrant de nombreuses opportunités professionnelles. En France celui-ci comprend :

  • Police et gendarmerie
  • Protection de la jeunesse 
  • Administration pénitentiaire et service pénitentiaire d’insertion et de probation
  • Magistrature
  • Services médico-psychologiques régionaux
  • Secteur associatif et social dans le domaine des « déviances » (toxicomanie, prostitution, sans-abrisme, maltraitance, etc.) 
  • Métiers de la sécurité
  • Aide aux victimes 
  • Recherche et enseignement universitaire

A l’étranger, il s’élargit à :

  • Administration de la justice pénale (criminologue de parquet, médiateur, assistant de justice, etc.) 
  • Agents ou experts des politiques urbaines de prévention et / ou de sécurité publique

Quelques exemples de métiers spécifiques à la criminologie :

  • Conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation : travailler avec des délinquants pour les aider à se réintégrer dans la société après leur peine.
  • Expert en victimologie : se spécialiser dans la compréhension des besoins et des droits des victimes de crimes.
  • Chercheur en criminologie : contribuer à la recherche académique pour mieux comprendre les causes et les conséquences de la criminalité.
  • Consultant en sécurité : travailler pour des entreprises ou des organismes gouvernementaux pour évaluer et améliorer leur sécurité.

En conclusion, le métier de criminologue est une vocation qui exige à la fois une passion pour la justice et un engagement envers la compréhension des comportements criminels. Avec la bonne formation, les compétences appropriées et le désir de contribuer à une société moins violente et moins répressive, les criminologues jouent un rôle crucial dans la prévention et la résolution des problèmes liés à la criminalité.

 

Notre master Interdisciplinaire en Criminologie Critique

Notre Diplôme Universitaire de Criminologie Interculturelle

École de Criminologie Critique Européenne

Article édité le 14 novembre 2023