La revue de presse académique #6
Voici la 6ème édition de la revue de presse académique, en temps de crise sanitaire, rédigée par nos enseignants-chercheurs.
Bonne lecture !
Généralités :
L’Académie française a tranché : on dit bien « la COVID-19 ».
Droits de l’Homme :
La Commission nationale consultative des droits de l’homme a mis en place l’Observatoire de l’état d’urgence sanitaire et du confinement chargé de recenser et produire des recommandations à destination des pouvoirs publics en cette période d’épidémie de la Covid-19. Dans sa deuxième lettre, l’observatoire se dit « inquiet de l’impact de la situation sur les enfants » et formule quelques recommandations.
La Grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a rendu une décision d’irrecevabilité le 5 mai 2020 dans l’affaire M.N. et autres c. Belgique (requête no 3599/18). A la majorité, elle a considéré que les requérants, un couple de ressortissants syriens et leurs deux enfants à qui avaient été refusés des visas de court séjour sollicités auprès de l’ambassade de Belgique à Beyrouth en vue de demander l’asile en Belgique, ne relevaient pas de la juridiction de la Belgique au titre des faits dénoncés par eux sur le terrain des articles 3 et 13 de la Convention (interdiction des mauvais traitements et droit à un recours effectif). Pour aller plus loin, lire la décision ou le communiqué de presse CEDH 125 (2020)05.05.2020 sur le site de la Cour.
A l’occasion des 70 ans de la Convention européenne des droits de l’homme, une conférence numérique a eu lieu le 5 mai 2020 en présence du président de la Cour européenne des droits de l’homme, Linos-Alexandre Sicilianos, mais aussi de l’ancien secrétaire général du Conseil de l’Europe, Thorbjørn Jagland, de l’ancien premier ministre suédois, Carl Bildt, et du maire de Kristiansand, Jan Oddvar Skisland. Elle s’est tenue en Norvège, à Kristiansand. Ont été abordés à cette occasion des sujets tels que l’importance des droits de l’homme pour la cohésion et la paix paneuropéennes, les défis actuels de la démocratie et la protection de la liberté d’expression en Europe. Pour plus de détails ICI et ICI.
Droit constitutionnel :
Finalement, l’élection présidentielle polonaise n’a pas eu lieu le dimanche 10 mai 2020. C’est un accord politique entre 2 députés, chefs respectivement de la majorité ultraconservatrice du PIS (Droit et Justice) et du micro parti Porozumienie (accord) qui a décidé de l’annulation et du report à une date inconnue du scrutin. Comme le souligne Jakub Iwaniuk dans le Monde des 10-11 mai 2020 (« En Pologne, l’élection présidentielle est reportée, mais l’incertitude persiste »), il « est loin de résoudre les multiples problèmes de fond, et crée un véritable imbroglio juridique ». Il est d’ailleurs d’ores et déjà fortement critiqué car il s’est fait en dehors de tout cadre légal et beaucoup d’incertitudes demeurent sur l’organisation même et les modalités de la future élection. A lire ou écouter également sur ce sujet, « Les deux Jaroslaw ont-ils ajourné la démocratie en Pologne ? » par Camille Magnard dans sa revue de presse internationale sur France culture.
Union européenne :
Le club des Juristes reprend un long article écrit par Marc Blanquet, Professeur à l’Université Toulouse 1 Capitole, Chaire Jean Monnet de droit de l’Union européenne, et Nathalie De Grove-Valdeyron, Maître de conférences à l’Université Toulouse 1 Capitole et Chaire Jean Monnet en droit européen de la santé et des produits de santé. LIRE ICI – L’Union européenne, le citoyen, et le virus : occasion manquée et session de rattrapage. L’Union européenne a démultiplié son action pendant la crise, déclencher les dispositifs sanitaires communs dans le cadre de l’article 168 du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne sur la santé publique (art. 168§1 FUE). L’article confronte ainsi les missions et avancées objectives européennes et leur perception lointaine par le citoyen. « Et tout semblait prédestiner l’Union à pouvoir jouer un rôle essentiel, utile, et visible face au coronavirus, permettant peut-être d’enclencher une dynamique de légitimation par les résultats : le programme d’action sanitaire de l’Union 2014/2020 vise ainsi à recenser et élaborer des méthodes cohérentes en matière d’amélioration de la préparation aux situations d’urgence sanitaires et de la coordination dans ces situations, et à en promouvoir la mise en œuvre ; il prévoit l’acquisition en commun de vaccins, l’amélioration de la capacité des laboratoires à rapidement détecter des risques nouveaux ou émergents et à appliquer des normes cohérentes en matière de test. L’Union dispose depuis 1998 d’un réseau européen de surveillance épidémiologique et de contrôle des maladies transmissibles, depuis 2000 d’un système d’alerte précoce et de réaction, d’un comité de sécurité sanitaire chargé de coordonner les réactions et la communication face aux crises de santé publique, d’une procédure de passation conjointe de marché pour l’achat, de manière groupée et donc plus efficace, de contre-mesures médicales, etc. »
Chaque année, la Journée de l’Europe est célébrée le 9 mai, date anniversaire du discours du ministre français des Affaires étrangères Robert Schuman, qui a posé les bases de ce qui est aujourd’hui l’Union européenne.
La célébration du 70e anniversaire de la déclaration Schuman arrive alors qu’une nouvelle crise frappe l’Europe. Ces derniers mois, le coronavirus a fait plus de 100 000 morts sur le continent. Des centaines de millions de personnes ont connu des restrictions sans précédent dans leur vie quotidienne afin de contenir la propagation du virus.
Les présidents du Parlement européen, du Conseil européen et de la Commission européenne, à l’occasion de la Journée de l’Europe ont fait une déclaration conjointe, au terme de laquelle, l’Europe doit sortir plus forte de cette crise. En outre, David Sassoli, Président du Parlement européen, s’est exprimé à l’occasion de la Journée de l’Europe et du 70ème anniversaire de la déclaration Schuman, au Parlement européen à Bruxelles (ici). Pour le programme des célébrations, voir Ensemble pour célébrer la Journée de l’Europe.
La question de l’adhésion des Balkans à l’Union européenne est une histoire pleine de rebondissements, au point qu’il n’est pas interdit de se demander si Les Balkans occidentaux sont les bienvenus dans l’Union européenne (émission diffusée sur France Culture). Pour relancer les discussions sur l’élargissement, la Commission européenne a proposé, en février 2020, une réforme des règles d’adhésion. Le 6 mai dernier, le sommet UE-Balkans occidentaux de Zagreb s’est tenu par vidéoconférence. Les dirigeants de l’UE se sont mis d’accord sur la déclaration de Zagreb, à laquelle les partenaires des Balkans occidentaux se sont ralliés : l’Union européenne a réaffirmé une nouvelle fois, son « soutien sans équivoque à la perspective européenne des Balkans occidentaux » et les partenaires ont réaffirmé que cette position constitue leur choix stratégique définitif. Cette déclaration est l’occasion de rappeler la coopération et la solidarité indispensables à cette relation ainsi que la nécessité de respecter les valeurs et principes européens.
Droit et libertés :
La semaine précédente nous attirions votre attention sur la question sensible de l’usage des drones dans l’espace public. Le tribunal administratif de Paris dans une décision en date du 5 mai 2020 a validé l’usage des drones par les services étatiques dans le cadre de la surveillance du confinement ( en ligne la décision). Les associations « La quadrature du net » et « Ligue des droits de l’Homme »contestant le « dispositif visant à capturer des images par drones et à les exploiter afin de faire respecter les mesures de confinement » ont sollicité la juridiction précitée afin de faire cesser ce qu’elles considéraient être une atteinte illégale aux libertés fondamentales que sont le droit à la vie privée et le droit à la protection des données personnelles. La requête des associations a été rejetée. Pendant ce temps, alors que le juge administratif français valide ce recours à la technologie aérienne pour assurer une surveillance spécifique dans le cadre du confinement, à Singapour, un chien robot arpente les allers des parcs pour faire respecter les mesures de distanciation sociale. Toutefois, si les passants peuvent entendre des messages de rappel à l’ordre, ils ne peuvent pas être filmés. Rassurez ?
Le 9 mai 2020, après l’accord de la Commission mixte paritaire sur un texte de compromis, le Sénat, puis l’Assemblée nationale ont adopté définitivement le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions. Son article 1er prévoit que l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 est prorogé jusqu’au 10 juillet 2020 inclus. Quant au chapitre II, il comprend plusieurs dispositions portant sur « la création d’un système d’information aux seules fins de lutter contre l’épidémie de covid-19« . Pour plus de détails sur la procédure d’adoption et les autres dispositions de cette loi, voir le dossier législatif de cette loi sur les sites du Sénat et de l’Assemblée nationale.
A noter que le Secrétaire chargé du numérique a annoncé un nouveau calendrier pour l’éventuel déploiement de l’application StopCovid à partir du 2 juin prochain. Une présentation et un vote au Parlement devrait avoir lieu la semaine du 25 mai.
Pour un commentaire de la décision (déjà évoquée dans la revue de presse de la semaine dernière) du Conseil constitutionnel n° 2020-836 QPC du 30 avril 2020 et concluant à la non-conformité à la Constitution de l’utilisation de la visioconférence sans accord du détenu dans le cadre d’audiences relatives au contentieux de la détention provisoire (quatrième alinéa de l’article 706-71 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022), lire « Le Conseil Constitutionnel, la « visio » et l’« effet papillon ? »,Valérie-Odile Dervieux, Présidente de la chambre de l’instruction, Cour d’appel de Paris, 4 mai 2020.
Histoire :
« Hygiène, santé publique, sécurité internationale, SARS-CoV-2, réactions politiques… », l’historien et chercheur Frédéric Vagneron livre une interview dans laquelle il raconte comment les épidémies ont façonné nos sociétés dans le temps.
Science politique :
Le populisme survivra-t-il à la COVID-19 ? S’il est encore trop tôt pour répondre à cette question. On observe que les tactiques traditionnelles utilisées les populistes ont perdu de leur force. Mais la pandémie offre également aux dirigeants l’occasion de contester davantage les institutions démocratiques et les organisations internationales.
Question de politique comparée: pourquoi la COVID-19 ravage certains endroits et en épargne d’autres ? Emmanuel Gyimah-Boadi et Carolyn Logan expliquent à quel point la confiance du gouvernement est importante pour lutter contre les coronavirus. Les gouvernements choisiront-ils la compassion ou la coercition?
Les chercheurs des projets MAGYC_H2020 et PACE à SciencesPo ont rédigé un article sur les effets de la COVID-19 sur les migrations.
Les terroristes pourraient-ils profiter de cette période troublée pour lancer de nouvelles attaques ?
Relations internationales :
La COVID-19 révèle les défaillances des systèmes de soins de santé en Afrique. Le chercheur Alex de Waal explique comment la COVID-19 est une urgence sociale et politique. Cet article revient sur les théories expliquant les faibles taux d’infection en Afrique.
Contributeurs :
Monica CARDILLO, Carole COGNET, Bernadette DUARTE, Sarah DURELLE-MARC, Sonia LE GOURIELLEC, Alicia MAZOUZ, Marion ROUSSEAUX
Article édité le 11 mai 2020
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