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La Rédactrice en chef de Studyrama choisit notre Doyen pour un article dédié à l’Enseignement Supérieur

Suite à sa rencontre avec notre Doyen Ioannis Panoussis, la Rédactrice en Chef de Studyrama, Julie Mleczko, a choisi de mettre en avant son témoignage dans un article complet dédié à sa vision de l’Enseignement Supérieur et ses grands défis pour demain. Découvrez son contenu dans son intégralité.

« L’IA va pouvoir fissurer un peu le conservatisme dans l’enseignement du droit et les méthodes d’évaluation » Interview du Doyen de la Faculté de Droit de l’Université Catholique de Lille

Profitant de son passage à Paris, Studyrama a pu échanger avec Ioannis Panoussis, Doyen de la Faculté de Droit de l’Université Catholique de Lille depuis 2014. Juriste spécialisé en Droit International et Européen, il a bien voulu répondre à nos questions et nous donner son point de vue sur les études et le secteur du Droit.

Propos recueillis par Julie Mleczko

 

Observez-vous des mutations en cours dans votre secteur d’activité ?

« Nous assistons à des mutations des professions juridiques, et, notamment, en raison de l’avènement de l’intelligence artificielle. On voit déjà un impact sur les professions qui nécessitent le moins de qualifications juridiques : les assistants et secrétaires juridiques par exemple, dont la mission consiste principalement à rechercher des informations.

On voit apparaître en parallèle de nouveaux métiers tels que les data protection officers ou les juristes environnement et RSE. A partir du moment où la société évolue, le droit évolue et le positionnement du juriste évolue également. Ce que je constate, depuis 9 ans, en tant que doyen, c’est que l’intégration au métier qu’on avait imaginé s’avère parfois plus compliquée, pas aussi simple que prévue. Par-contre, j’ai rarement vu des personnes issues de facultés de droit sans emploi. C’est une discipline qui évolue constamment et qui recrute dans tous les secteurs d’activité. Je ne suis donc pas inquiet. Je pense que le principal enjeu est de continuer à être en alerte, en interaction avec les milieux professionnels, beaucoup plus qu’auparavant pour s’adapter, en tant que juristes, aux évolutions de la société.

À l’époque où j’étudiais le droit, on était vraiment à la recherche de l’ultra spécialisation et de l’ultra performance dans un domaine bien particulier. Aujourd’hui, les futurs juristes doivent être polyvalents pour s’adapter aux nouveaux besoins.

Je me réfère souvent à mon père, grand juriste, qui me disait : « Tout apprendre par cœur n’a pas beaucoup de sens. Ce que tu vas apprendre aujourd’hui en droit civil et en droit des obligations peut changer du jour au lendemain. Il suffit d’une réforme. En revanche, il faut savoir chercher et trouver l’information, avoir un esprit méthodique pour être en capacité de la traduire en discours juridique ». Aujourd’hui on doit aussi bien savoir s’adresser à un public de non-juristes, et donc vulgariser notre propos, qu’à un magistrat avec qui on devra être plus précis. Il faut savoir s’adapter.

Depuis des années, on dit que les juristes sont des « empêcheurs de tourner en rond ». Pour nous, enseignants, l’objectif est par exemple de former des juristes capables de comprendre les enjeux d’une entreprise, de faire en sorte que le patron se dise : « Ce juriste est un business partner parce qu’il va m’accompagner à la fois pour respecter le cadre réglementaire et pour me permettre de développer mon entreprise ».

En ce sens-là, je ne dirais donc pas que l’on perd en spécialisation mais une chose est sûre : le “par cœur” n’a plus sa place. Pour moi, il faut certes continuer à apprendre, mais, une fois qu’on a passé cette étape-là, c’est surtout la capacité de s’adapter à la discipline en disposant de la bonne méthode qui importe.

Quels sont les principaux enjeux à venir selon vous dans le secteur du Droit ?

Avant tout, soyons optimistes, on aura toujours besoin du Droit car Ubi societas, ibi ius : « Là où il y a une société, il y a du droit ».

Maintenant, je pense que l’enjeu de l’international est et reste un défi majeur dans nos métiers. Avec ce que l’on vit, les différents risques et crises que nous traversons, que ce soit la guerre, la crise sanitaire, la crise énergétique ou la crise environnementale, on voit très bien que les problèmes sont mondiaux, donc globaux. Donner le sentiment qu’on peut les régler à petite échelle dans un environnement qui nous est propre, est une véritable erreur.

Autre défi important pour notre Université, c’est renforcer les solidarités, le partage des connaissances et le développement du service learning. Nous avons créé le Bus de l’Accès au Droit, une initiative unique, en partenariat avec le barreau de Lille. Il s’agit d’une unité mobile qui se déplace auprès des plus vulnérables, des publics qui sont les plus éloignés des points d’accès au droit. Généralement, ils n’ont pas d’accompagnement, de suivi juridique, soit pour des raisons géographiques, soit économiques, sociales etc. Un avocat et un étudiant composent l’équipe. C’est gagnant-gagnant : à la fois une clinique du droit pour l’étudiant qui apprend son métier et un conseil et un accompagnement juridique gratuit pour la personne reçue.

Comment un futur juriste doit-il utiliser l’intelligence artificielle selon vous aujourd’hui et demain ?

« Demain il faudra travailler avec l’intelligence artificielle. Ce serait une erreur fondamentale de vouloir l’éviter. La vraie question est de savoir comment utiliser ChatGPT dans le cadre de mes apprentissages ? Quand je vais sortir une réponse type que 10 millions de personnes pourront ressortir en utilisant le même logiciel, il va falloir être capable de l’adapter à la spécificité de l’affaire ou au besoin particulier du client. Il s’agit de récupérer une matière première et non un produit fini.

Quel est l’attendu que les néo-étudiants ont tendance à sous-estimer en entrant en Licence de Droit ? Enfin quel bilan tirez-vous de Mon Master ?

« Le côté positif, c’est que notre offre de formations est nettement plus visible. Dommage que la clef d’entrée sur la plateforme soit notre Université de conventionnement. Ce qui a pu créer des confusions pour les candidats comme pour nous et notre Université de conventionnement. Par exemple, si vous voulez candidater à notre Master Droits de l’Homme, sécurité et développement, vous verrez d’abord le nom et le logo de l’Université Toulouse Capitole (notre université de conventionnement) et ensuite seulement, en plus discret « délivré par l’Université Catholique de Lille ». La plus grosse critique que j’aurais à formuler est que la procédure est pour l’instant peu adaptée aux Masters en alternance. Trop de candidats ayant trouvé une entreprise sont encore en liste d’attente, en dessous d’autres étudiants sélectionnés mais sans contrat d’alternance. »

Retrouvez l’article sur le site de Studyrama.

Article édité le 25 octobre 2023

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