Lors de la conférence introductive du 18 novembre 2016, Monsieur Jean-René LECERF, Président du Conseil Départemental du Nord, a rappelé que « le premier devoir de l’homme en tant qu’être humain est la protection de l’enfant comme le rappelle le préambule de la Convention internationale des droits de l’enfant… L’Etat a délégué à notre collectivité territoriale ce devoir de protection et d’aide spéciale…L’avenir des enfants est la condition nécessaire du destin de notre société… »
Cette solidarité sociale remonte à plus d’un siècle.
Rétrospective de la journée du 20 janvier dernier à la Faculté de Droit
En réponse aux objectifs nationaux et au rôle du département du Nord pour une protection renforcée des droits des enfants, une présentation diachronique de Jean-Jacques YVOREL a mis l’accent sur le rôle de la justice pour venir en aide aux enfants en danger.
Monsieur Gilles SERAPHIN a introduit la journée d’étude en sa double qualité, d’une part, de membre du groupe de travail sur la protection de l’enfance et l’adoption, présidé par Madame Adeline GOUTTENOIRE, d’autre part en tant que directeur de l’Observatoire national de la protection de l’enfance. Il a ainsi pu nous faire part de son regard sur la loi du 14 mars 2016, dont il a participé à la genèse. Il a également évoqué les nouvelles missions confiées par la loi à l’Observatoire national de la protection de l’enfance, qui a remplacé, par l’effet de cette loi, l’ancien Observatoire national de l’enfance en danger, créé par la loi du 2 janvier 2004 relative à l’accueil et à la protection de l’enfance.
Ces deux entrées en matière justifient les débats qui ont suivi sur la loi du 14 mars 2016.
1ère partie – La conception de la loi
Table ronde – L’intérêt supérieur de l’enfant dans les débats législatifs.
Patricia DELORME, Directrice à la Direction de l’Enfance, de la Famille et de la Jeunesse au Conseil départemental du nord a animé cette première table ronde portant sur l’intérêt supérieur de l’enfant dans les débats législatifs, autour de laquelle étaient réunis Christophe BELLON, maître de conférences à la Faculté de droit de l’Université catholique de Lille, Docteur en Sciences Politiques, Isabelle CORPART, maître de conférences HDR à la Faculté des sciences économiques sociales et juridiques de l’Université de Haute Alsace, Léonor SAUVAGE, Conseillère en charge de la protection de l’enfance au Cabinet de Madame Laurence Rossignol, Ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes, Jean-Pierre DELANNOY, administrateur de l’Assemblée nationale et Flore CAPELIER, Docteur en droit public, membre associé au Centre d’études et de Recherches de Sciences Administratives CERSA, Université Paris 2 Panthéon Sorbonne.
Les interventions se sont déroulées de manière chronologique, partant de la famille comme cadre premier de la protection de l’enfant : ces explications préalables ont permis de mieux comprendre la lente maturation du droit de la protection de l’enfance et ses liens avec l’adoption. L’analyse des étapes antérieures et préparatoires a permis de comprendre la place de l’intérêt supérieur de l’enfant dans la réflexion et les enjeux liés à la conception de la loi du 14 mars 2016. Les difficultés liées à la procédure législative ont mis en évidence à la fois le consensus qui a pu se dégager autour de l’intérêt supérieur de l’enfant mais également la transformation du texte initial : il a été regretté à plusieurs reprises que le texte adopté ne soit pas allé aussi loin que les rapports le préconisaient. Cette fabrique de la loi a permis de mettre en évidence les avancées et les insuffisances du texte ainsi que l’évolution de l’intérêt supérieur de l’enfant dans le droit de la protection de l’enfant.
2ème partie : les risques de la loi
Table ronde : Les réformes dans la prise en charge de l’enfant.
Gilles SERAPHIN, Directeur de l’Observatoire national de la protection de l’enfance, a animé cette table ronde sur les risques de la loi, autour de laquelle étaient réunies Josiane BIGOT, présidente de la chambre de la famille de la cour d’appel de Colmar, Aurélie LEBEL, avocate et présidente de la commission famille du barreau de Lille, Gisèle DELCAMBRE, vice-présidente du tribunal pour enfants de Lille, Amélie NIEMIEC, docteur en droit privé et Nadia BEDDIAR, docteur en droit public et enseignant-chercheur à l’Ecole nationale de la protection judiciaire de la jeunesse.
Dans un premier temps, les intervenantes ont été invitées à faire part de leur point de vue concernant l’application, dans leurs différents champs professionnels, de la précédente loi relative à la protection de l’enfant : la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance. Bien que cette loi ait constitué une avancée, notamment dans la prise en compte des droits des usagers, il y a lieu de souligner les limites dans la mise en œuvre des dispositions issues de la réforme de 2007. En particulier, il a été constaté que la subsidiarité de la protection judiciaire de l’enfance par rapport à la protection administrative n’était encore que théorique dans de nombreux départements, parmi lesquels le département du Nord. Egalement, il a été regretté un manque de formation et une surcharge d’activité des travailleurs sociaux, qui se trouvent souvent dans l’impossibilité de mettre en œuvre les dispositions issues des réformes législatives successives.
Dans un second temps, il a été demandé aux intervenantes dans quelle mesure la loi du 14 mars 2016 et ses différents décrets d’application allaient faire évoluer la prise en charge de l’enfant. L’apport de la loi du 14 mars 2016 a alors été relativisé : dès lors que les moyens humains et la formation des professionnels demeurent insuffisants, il reste à craindre que les dispositions nouvelles ne soient appliquées que partiellement. Par ailleurs, plusieurs intervenantes ont exprimé leur vive préoccupation quant à la prise en charge des mineurs non accompagnés, que la loi du 14 mars 2016 ne contribue pas à renforcer.
Table ronde : La prise en compte de la parole de l’enfant
Animée par Placide MABAKA, Professeur de droit public et chercheur associé au C3RD, cette table ronde a réuni deux administratrices ad hoc, Monia SCATTAREGGIA de l’association Thémis et Sarah HAROUNE de l’association A.J.A.R., ainsi que Blandine MALLEVAEY, Maître de conférences en Droit privé et sciences criminelles à la Faculté de Droit de l’Université Catholique de Lille.
Les rédacteurs de la loi du 14 mars 2016 ayant placé le respect des droits de l’enfant au cœur de leurs motivations, cette table ronde était consacrée à l’un des droits fondamentaux reconnu à l’enfant par la Convention internationale des droits de l’enfant en 1989 : le droit de participer aux décisions qui le concernent. Il s’agissait également pour les administratrices ad hoc d’envisager les changements apportés par la loi nouvelle dans leurs pratiques professionnelles.
A ainsi été évoquée l’obligation imposée par la loi du 14 mars 2016 de recueillir l’accord de l’intéressé avant de pratiquer sur lui des examens radiologiques osseux aux fins de détermination de son âge. Les intervenantes ont fait part de leur perplexité quant à la compréhension, par l’intéressé, de la portée réelle de son consentement, en particulier dans la mesure où il n’est accompagné ni par un avocat, ni par un administrateur ad hoc au moment où il exprime ce consentement. Elles se sont également interrogées sur les conséquences qu’emporterait un refus de consentir aux examens osseux ordonnés par l’autorité judiciaire. En outre, a été abordée l’obligation faite par la loi du 14 mars 2016 au tribunal de grande instance de procéder à l’audition du mineur capable de discernement lors de la phase judiciaire de la procédure d’adoption. Les dispositions en ce sens réalisent certes une avancée par rapport au droit commun de l’audition de l’enfant dans les procédures civiles le concernant, mais elle doit être relativisée au regard notamment de la marge d’appréciation laissée aux magistrats dans l’évaluation du discernement.
Les administratrices ad hoc sont par ailleurs revenues sur les dispositions de la loi du 14 mars 2016 empêchant le département d’exercer les fonctions d’administrateur ad hoc auprès de l’enfant dans le cadre de la procédure d’assistance éducative, ce qui est source de difficultés dans les départements où l’essentiel des administrateurs ad hoc sont des agents du département, comme c’est le cas dans le Nord. Enfin, les intervenantes ont fait part de leur inquiétude quant au fait que le législateur avait réintroduit l’inceste dans le Code pénal sans rendre obligatoire la désignation d’un administrateur ad hoc pour assurer la protection de l’enfant.
NB : une publication des actes enrichie des articles d’autres contributeurs est prévue dans le courant de l’année 2017
Article édité le 13 février 2017
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